Marlier Georges
Dates: 22 juin 1898 - 28 juillet 1968
Lieux: Anvers - Bruxelles
Sommaire
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Références externes
Éléments biographiques
1919 | Début de la carrière de critique d'art. Collaboration postérieure aux revues belges d'art contemporain Lumière, Çà ira, Sélection, Cahiers de Belgique, Le Centaure et Les Beaux-Arts |
1922 | Mariage avec la peintre Alice Frey |
1930 | Premier article sur un peintre flamand non contemporain : Jan Siberechts |
1934 | Publication de son mémoire cataloguant l'œuvre d’Antonio Moro par la Classe des Beaux-Arts de l'Académie Royale de Belgique |
1937 | Publication de "Albert Dürer Journal de voyage dans les Pays-Bas" avec la collaboration de J. A. Goris |
1946 | Condamnation à 10 ans de prison pour collaboration à la propagande de l'ennemi |
1954 | Publication de "Erasme et la peinture flamande de son temps" |
1957 | Publication de "Ambrosius Benson et la peinture à Bruges au temps de Charles-Quint" |
1966 | Publication de "Pierre Coecke d'Alost" |
1969 | Publication à titre posthume de "Pierre Brueghel le Jeune" |
Présentation analytique
Georges Marlier débute en 1919 sa carrière d’écrivain en tant que critique d’art, tout en suivant des cours à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers où il rencontre la peintre Alice Frey ; ils se marieront en 1922.
Il collabore comme rédacteur à différentes revues d’art anversoises (Lumière en 1919, Ça ira de 1920 à 1923, Sélections 1920 à 1928) puis bruxelloises (Le Centaure de 1926 à 1930, Les Cahiers de Belgique de 1928 à 1931) qui promeuvent l’art contemporain belge (et notamment l’expressionisme flamand) et international. Il prend la direction du Journal des Beaux-Arts en 1930.
Ce n’est qu’en cette même année que Georges Marlier aborde le domaine de l’histoire de l’art en rédigeant un article relatif à Jan Siberechts, pour les Cahiers de Belgique (Marlier 1930).
Il publie l’année suivante chez le même éditeur une étude consacrée au peintre Jacob Smits, et aborde pour la première fois la peinture du XVIe siècle dans une communication relative aux autoportraits d’Antonio Moro, qu’il donne lors du congrès de la Fédération Archéologique et Historique qui s’est tenu à Liège en 1932 (Marlier 1934a).
Marlier reçoit, ex-aequo avec Simone Bergmans, le prix de la Classe des Beaux-Arts de l’Académie Royale de Belgique en 1933 pour son mémoire sur Antonio Moro[1], qui sera édité l’année suivante. L’ouvrage comprend un essai de catalogue de l’œuvre de l’artiste, qui, partant de la liste publiée par Henri Heymans une vingtaine d’années plus tôt, effectue un tri entre les œuvres authentifiées, attribuées et douteuses, et la complète de manière significative[2]. Max J. Friedländer, qui publie son catalogue deux ans plus tard, fait référence à la publication de Marlier[3], une reconnaissance de la qualité de son travail, dans la mesure où les références bibliographiques sont rares dans l’œuvre du grand spécialiste de la peinture de la Renaissance dans les Pays-Bas.
La Nouvelle Société d’Éditions lui commande en 1934 un livre sur Hans Memling destiné au grand public (Marlier 1934b). La même année Marlier participe au lancement du périodique Cassandre, hebdomadaire belge de la vie politique, littéraire et artistique dirigé par Paul Colin, auquel il contribuera de manière régulière.
En 1937 paraît le livre Albert Dürer Journal de voyage dans les Pays-Bas, qu’il co-écrit avec Jean-Albert Goris (Marlier & Goris 1937). Il consiste en une traduction française du Tagebuch de l’artiste que Ernst Heidrich publia au début du siècle[4], complétée de reproductions de dessins de l’artiste effectués au cours de son voyage, ainsi que d’œuvres mentionnées lors de ses différentes visites.
Paul Fierens, qui assure la direction de l’ouvrage de synthèse L’Art en Belgique, lui confie la partie relative à l’architecture, la peinture et la sculpture au XVIe siècle[5] (Marlier 1939).
Sous l’occupation allemande, Marlier poursuit sa collaboration avec Paul Colin dans le journal d’extrême-droite La Nouvelle Belgique, ainsi que dans Le Soir « volé ». Il démultiplie les initiatives, au travers de conférences, visites guidées des militaires allemands en tant que collaborateur libre des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, organisation d’expositions d’art contemporain, etc (Marlier 1940a). Il tente également d’obtenir un poste de professeur auprès de l’Institut supérieur d’Histoire de l’Art de Bruxelles.
À l’issue du procès du Soir « volé », la 4e chambre du Conseil de Guerre condamne Georges Marlier le 24 juillet 1946 à une peine de dix ans de prison pour avoir servi la propagande nazie.
Lors de la réédition de l’Art en Belgique en 1947, Paul Fierens décide de retirer le texte de Marlier, « écrivain défaillant »[6], et demande à Simon Brigode de prendre en charge la partie relative à l’architecture et la sculpture, et à Jeanne Maquet-Tombu celle à la peinture.
À sa libération, Marlier effectue rapidement un retour sur la scène de l’histoire de l’art en s’associant tout d’abord avec l’antiquaire bruxellois Constant Jacques Neuhuys, pour qui il rédige le catalogue d’un ensemble de peintures flamandes des XVe et XVIe siècles exposé au cours de l’été 1953 dans son musée Van Maerlant à Damme (Marlier 1953).
Neuhuys, propriétaire des Éditions du Musée Van Maerlant lui propose l’année suivante de publier un ouvrage de synthèse sur la production picturale pré-romaniste des Pays-Bas : Érasme et la peinture flamande de son temps (Marlier 1954). L’œuvre se singularise par la mise en évidence de l’influence de l’humanisme sur l’activité artistique de l’époque, au travers d’une analyse serrée des thèmes majeurs abordés par l’écrivain, qu’ils relèvent du domaine religieux ou de la satire de mœurs. L’ouvrage, rapidement épuisé, est bien reçu par la critique.
Dès 1953, il est correspondant de la revue allemande Weltkunst, une fonction qu’il conservera jusqu’en 1966, et il participe en 1956 à la série Kunstgeschiedenis der Nederlanden en en assurant la troisième partie Van het einde van de Zestiende Eeuw tot Onze Tijd in Zuid-Nederland (Marlier, Gelder, Duverger et al. 1956).
Neuhuys réitère la démarche en éditant en 1957 Ambrosius Benson et la peinture à Bruges au temps de Charles-Quint (Marlier 1957). Marlier reconstitue le catalogue d’un maître au parcours complexe – issu du milieu lombard sous l’influence de Vinci, il émigre à Bruges où il assimile le style de Gérard David –, pour produire une œuvre principalement destinée à être exportée en Espagne, et adaptée au goût spécifique de la péninsule[7]. S’appuyant sur une solide documentation, il double le nombre de panneaux donnés au maître par rapport à ceux que Max Friedländer avait listés en 1933.
Il publie en 1961 dans le Jaarboek van het Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen un article important relatif au Maître du Fils Prodigue, un artiste contemporain de Pieter Aertsen, qu’il situe dans le milieu anversois (Marlier 1961). Marlier reprend le catalogue publié par Grete Ring en 1923[8] et le complète d’une trentaine d’entrées.
Il contribue l’année suivante avec Alfred Scharf et José Gudiol au deuxième volume du catalogue des peintures de la Bob Jones University consacré aux peintures produites en dehors de l’Italie (Marlier, Scharf & Gudiol 1962), et débute une collaboration à la revue française Connaissance des Arts, dans laquelle il publie jusqu’en 1965 des articles consacrés principalement à la peinture flamande des XVIe et XVIIe siècles.
Il participe de manière substantielle à la rédaction du catalogue de l’exposition Le Siècle de Bruegel présentée en 1963 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, un évènement exceptionnel qui réunit plus de 500 œuvres majeures du XVIe siècle flamand (Marlier et al. 1963).
L’année suivante, Marlier entre en contact avec le marchand d’art Robert Finck. Il publie un panneau conservé dans le fonds de commerce de ce dernier et le donne au Maître de la Légende de Sainte Ursule, dans un article où il reprend le catalogue de Max Friedländer et l’étoffe de nouvelles attributions (Marlier 1964). Il attribue à Pierre-Paul Rubens un portrait représentant Hélène Fourment, que Finck présente la même année lors de la 7e exposition annuelle qu’il organise dans sa galerie bruxelloise.
En 1965 Marlier poursuit sa collaboration avec la série Kunstgeschiedenis der Nederlanden en participant au dixième tome, De negentiende en twintigste eeuw. Il publie la même année dans le Bulletin des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique un article consacré à Pieter Balten (Marlier 1965a), un texte pionnier permettant de discerner la personnalité de ce peintre et sa relation avec Pieter Bruegel l’Ancien et Maarten van Cleve, et dans la Revue belge d’Histoire de l’Art, un ajout important à son catalogue de l’œuvre de Benson, le triptyque du Saint Jacques matamore conservé au musée Mayer van den Bergh à Anvers (Marlier 1965b).
Suite au succès de l’exposition Le Siècle de Bruegel, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique réitèrent avec une exposition consacrée à la période suivante : Le Siècle de Rubens. Marlier se voit confier la rédaction des notices relatives aux peintres de genre du XVIIe siècle flamand (Marlier et al. 1965c).
Un an plus tard paraît aux Éditions Robert Finck un ouvrage de luxe, richement illustré, qui donne la première synthèse de l’activité artistique de Pieter Coecke d’Alost et met en évidence la multiplicité de son champ d’action : peinture, mais également gravure, tapisserie et vitrail (Marlier 1966). Malgré l’absence d’un catalogue, cette publication présente, pour l’époque, un aperçu complet de l’œuvre susceptible d’être mise en relation avec le peintre, et distingue dans cette production des mains différentes autour desquelles Marlier regroupe une production distincte.
Il participe la même année à la rédaction du catalogue publié à l’occasion de l’exposition De generatie van 1900. Surrealisten, animisten organisée par le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (Marlier, Buyck et al. 1966), et l’année suivante à la rétrospective Gustave van de Woestyne organisée par la ville de Malines.
Marlier publie en 1968, l’année de son décès, un dernier article abordant la relation de l’œuvre de Lambert Lombard avec les cartons de tapisserie conçus par Raphaël (Marlier 1968).
Sa collection de tableaux est dispersée le 19 novembre 1968 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. L’œuvre la plus importante, un tableau représentant Neptune et Doride est acquise par Robert Finck et donnée aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (inv. 7761) en mémoire de l’historien.
Il laisse deux ouvrages inachevés : un livre relatif à l’œuvre de Pierre Brueghel le Jeune, une commande de Robert Finck qui avait particulièrement promu l’œuvre de cet artiste. Finck confie à Jacqueline Folie le soin de mener à bien l’entreprise, et le livre sera publié l’année suivante, dans les mêmes conditions qualitatives que le Pierre Coeck d’Alost (Marlier & Folie 1969).
Un tapuscrit retrouvé récemment, dont seule la conclusion semble manquer, aborde le thème de la peinture de genre dans la peinture flamande du XVIe siècle (Marlier s.d.). Marlier n’écarte pas la peinture religieuse de son analyse – les scènes de genre purement profanes étant l’exception à l’époque – et les œuvres de Quinten Metsijs, son fils Jan, Marinus van Reymerswaele, Jan Sanders van Hemessen et le Monogrammiste de Brunswick sont tour à tour examinées dans cette optique.
Rétrospectivement, pour ce qui concerne le travail de Marlier, le fait marquant est qu’aujourd’hui, plus d’un demi-siècle après leur parution, les deux ouvrages relatifs aux productions d’Ambrosius Benson et de Pieter Coecke d’Alost restent la référence en la matière. De nombreux textes ont été publiés depuis et complètent notre connaissance des deux maîtres, mais aucun ouvrage susceptible de remplacer ces publications n’a été rédigé depuis.
Dans une moindre mesure, on peut répéter cette assertion pour ce qui concerne le Maître du Fils Prodigue. Cet artiste prolifique – ses œuvres et celles de son atelier se comptent par centaines – n’a toujours pas fait à ce jour l’objet d’une tentative de catalogue systématique.
La démarche de Marlier se caractérise tout d’abord par la constitution d’un ensemble documentaire exceptionnel. Il est malheureusement impossible d’en avoir un aperçu significatif, mais par exemple la lecture du catalogue Benson permet d’établir qu’il a considéré 208 œuvres (épigones compris), là où Max J. Friedländer 20 ans plus tôt en comptait 93. En tant qu’historien de l’art, Marlier excellait donc dans le domaine de la catalographie, un élément fondamental de la discipline.
Un second aspect relève du connoisseurship : ses attributions restent aujourd’hui encore convaincantes. En tenant compte des tendances actuelles qui visent à disperser l’œuvre d’un maître entre différentes mains sous son influence, la vision que Marlier nous donne d’un artiste, et de ses épigones, reste cohérente.
Une troisième caractéristique et qui constitue l’originalité de sa démarche est la mise en contexte de la production artistique, principalement du XVIe siècle. Le tendance jusqu’alors en histoire de l’art était principalement d’ordre stylistique, visant à résoudre des problèmes formels et d’attribution. Sans ignorer ces derniers aspects, Marlier innove en changeant la perspective de son analyse : il part de l’environnement littéraire et religieux de l’époque pour parvenir à cerner la signification d’une œuvre et lui conférer ainsi une dimension supplémentaire.
Jean-Luc Pypaert
[1] Séance du jeudi 12 octobre 1933, Bulletin de la Classe des Beaux-Arts 15, 1933, p. 146.
[2] H. Heymans, Antonio Moro. Son œuvre et son temps, Bruxelles, 1910, p. 163-179.
[3] M. J. Friedländer, Die altniederländische Malerei: Anthonis Mor und seine zeitgenossen, Leiden, 1936.
[4] E. Heidrich, Albrecht Dürers schriftlicher Nachlass: Familienchronik, Gedenkbuch, Tagebuch der niederländischen Reise, Briefe, Reime, Auswahl aus den theoretischen Schriften, Berlin, 1908.
[5] P. Fierens (dir.), L’Art en Belgique, Bruxelles, 1938.
[6] P. Fierens (dir.), L’Art en Belgique, Bruxelles, 1947.
[7] D. Martens, Peinture flamande et goût ibérique, Bruxelles, 2010, p. 149-155.
[8] G. Ring, Der Meister des Verlorenen Sohns: Jan Mandyn und Lenaert Kroes, Jahrbuch für Kunstwissenschaft, 1923, p. 196–201.
Bibliographie de l’auteur
Bibliographie sur l’auteur
Devillez 2003a = V. Devillez, Le retour à l’ordre. Art et politique en Belgique. 1918-1945, Bruxelles.
Devillez 2003b = V. Devillez, Le musée en guerre (1939-1947) in M. Van Kalck (dir.), Les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Deux siècles d’histoire, Bruxelles, p. 361-369.
Van Regenmortel 2001 = E. Van Regenmortel, De kunstkritiek van Georges Marlier (1898-1968) tijdens het interbellum, mémoire de master, Universiteit Gent – Faculteit Letteren en Wijsbegeerte, Gand.
Sources d’archives
L’auteur de la présente notice a recueilli le tapuscrit inédit Les tableaux de genre dans la peinture flamande de la Renaissance et une partie de la documentation de Georges Marlier. Ils ont transité par la bibliothèque de Jacqueline Folie. La documentation comprend les clichés utilisés pour la publication « Finck » relative à Pieter Brueghel le Jeune – ils se trouvent aujourd’hui à l’Institut Royal du Patrimoine Artistique à Bruxelles –, à Pieter Coecke d’Alost, et divers documents (photos, découpes de catalogues) qui présentent pour la plupart la caractéristique d’être postérieurs à la Deuxième Seconde Guerre mondiale. Une interprétation possible de ce fait est que la documentation antérieure à la condamnation de 1946 ait été soit vendue – Marlier ayant été condamné à une amende de 100.000 BEF – soit confisquée. La documentation photographique relative à Benson manque également, mais peut-être est-elle restée en possession de Constant Jacques Neuhuys, l’éditeur de l’ouvrage.
Sa bibliothèque a été vendue à Bruxelles, le 11 janvier 1969, par le libraire Émile Relecom.
Une partie des archives privées du couple Marlier-Frey est passée en vente publique à Bruxelles, ventes Alain Ferraton, le 14 septembre 2002.
Documents iconographiques
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