van de Walle Baudouin

Bruges, 21 octobre 1901 - Bruxelles, 26 décembre 1988

Par : Marie-Cécile Bruwier

Publié le : 13 octobre 2025

Éléments biographiques

1919Rencontre avec Jean Capart
1919-1920Candidature en philosophie et lettres (philologie classique) (Institut Saint-Louis à Bruxelles)
1919-1921Suit les cours d’art et d’archéologie de l’Égypte à l’Institut Supérieur d’Histoire de l’art et d’archéologie de Bruxelles (ISHAAB) et au Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (MRAH)
1922-1925Suit les cours à l’Institut Supérieur d’Histoire et de Littératures Orientales de Liège
1925Doctorat en histoire et littératures orientales (Université de Liège). Premier voyage en Égypte. Participation aux fouilles de l’Osireion d’Abydos
1928Première charge d’enseignement à l’Université de Liège
1929-1930Participation aux fouilles du Bucheum d’Armant (Hermonthis)
1929-1936Chargé de cours à l’Université de Liège
1929-1940Suppléant à l’Institut des Hautes Études de Belgique
1936Professeur à l’Université de Liège
1946-1976Professeur titulaire à l’Institut des Hautes Études de Belgique
1964Professeur ordinaire à l’Université de Liège
1971Admission à l’éméritat à l’Université de Liège

Présentation analytique

La vocation archéologique de Baudouin van de Walle s’éveille dès son plus jeune âge lorsqu’il est initié à la numismatique par son oncle, Albert Visart de Bocarmé (1868-1947). Ce dernier est président de la Société archéologique de Bruges. Il a également été président d’honneur de la Société royale de numismatique de Belgique et président de l’Académie royale d’Archéologie. Ce féru de numismatique a activement collaboré à la Revue numismatique belge et à la Revue belge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art. L’éminent érudit offre à son jeune neveu le livre L’Archéologie égyptienne de Gaston Maspero. Cet égyptologue français, professeur au Collège de France est membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. En 1881, il a pris la direction du Service des antiquités égyptiennes et du premier Musée d’Archéologie égyptienne, établi à Boulaq dans un ancien entrepôt désaffecté du port du Caire. Une crue du Nil ayant endommagé le bâtiment mais surtout le développement considérable des recherches archéologiques en Égypte à cette époque conduisent à envisager la construction d’un grand musée d’antiquités égyptiennes. Le bâtiment construit sur les plans de l’architecte français, Marcel Dourgnon est inauguré en novembre 1902 à la place Tahrir au Caire. Édifié sur deux étages, il comprend une centaine de pièces. G. Maspero organise la scénographie des collections d’antiquités égyptiennes de ce musée moderne qu’il dirige jusqu’en 1914. Parallèlement à son activité muséographique et d’études des antiquités égyptiennes, il poursuit ses recherches archéologiques. Dans le livre, publié en 1887, que lit le jeune B. van de Walle, il présente une synthèse de l’état des connaissances sur l’archéologie de l’Égypte ancienne à son époque. Il évoque les découvertes archéologiques majeures, les techniques de fouilles, les méthodes d’interprétation des artefacts et les principaux sites archéologiques en Égypte. Cet ouvrage a joué un rôle déterminant dans la diffusion et dans la connaissance de l’archéologie dans la vallée du Nil. Il porte essentiellement sur l’architecture égyptienne et traite de l’architecture civile et militaire, l’architecture religieuse, les tombeaux, la peinture et la sculpture et les « arts industriels ». Cette première lecture en entraîne d’autres. Dès seize ans, B. van de Walle se plonge dans l’ouvrage de l’égyptologue allemand, Adolf Erman, Die Hieroglyphen. Cet auteur, l’un des fondateurs de l’école d’égyptologie de Berlin, est célèbre pour ses travaux sur la grammaire égyptienne. Avec Hermann Grapow, il édite l’impressionnant Wörterbuch der ägyptischen Sprache, dictionnaire comprenant l’ancien égyptien le moyen égyptien et le néo-égyptien ainsi que les inscriptions hiéroglyphiques de l’époque gréco-romaine, toujours d’usage aujourd’hui avec des commentaires adaptés. Voilà comment la passion de l’égyptologie atteint rapidement l’adolescent polyglotte.

En 1919, B. van de Walle, âgé de dix-huit ans, fait une rencontre décisive qui détermine la suite de sa carrière professionnelle. Il fait la connaissance du célèbre Jean Capart (1877-1947), fondateur de l’égyptologie belge. Ce professeur à l’Université de Liège est aussi conservateur des antiquités égyptiennes au Musée du Cinquantenaire[1] dont il devient conservateur en chef en 1925. Sa science, son enthousiasme, son dynamisme et son sens de la communication l’ont amené à donner l’impulsion de la création du premier « service éducatif » dans les musées de Bruxelles de manière à assurer des commentaires pertinents à l’intention d’un vaste public et fondés sur les connaissances du moment sur les collections muséales. C’est ainsi qu’il a été une des chevilles ouvrières de l’Institut supérieur d’histoire de l’art et d’archéologie (aujourd’hui Institut Royal Supérieur d’Histoire de l’Art et d’Archéologie de Bruxelles, IRSHAAB) destiné à former des guides conférenciers dans les collections muséales. Parallèlement, J. Capart ambitionne de faire de Bruxelles, la capitale mondiale de la science égyptologique. Après avoir accompagné la reine Élisabeth en Égypte en février 1923 pour visiter la tombe de Toutânkhamon découverte quelques mois plus tôt, il la convainc de donner son nom et son patronage à la création de la Fondation Égyptologique Reine Élisabeth (aujourd’hui Association Égyptologique Reine Élisabeth ou AERE). Son but est de promouvoir la recherche égyptologique et papyrologique en Belgique. J. Capart constitue une bibliothèque égyptologique qui demeure, à l’heure actuelle, l’une des plus importantes au monde. Il fait rassembler et s’emploie à faire acquérir les publications scientifiques mondiales en égyptologie, les ouvrages anciens sur l’Égypte, les récits de voyageurs et une impressionnante collection de photographies. Au fil des années, l’AERE est devenue une institution scientifique de renommée internationale, consacrée à l’étude de l’histoire et de la culture de l’Égypte pharaonique, gréco-romaine et arabe.

Voilà donc la personnalité qui va former le jeune B. van de Walle et avec laquelle il sera associé pendant toute la suite de sa carrière.

En 1919, le jeune homme s’inscrit à l’Institut Saint-Louis à Bruxelles pour deux années de candidature en philosophie et lettres (philologie classique). Il assiste en même temps aux cours d’art qui se donnent à l’Institut supérieur d’histoire de l’art et d’archéologie de Bruxelles (ISHAAB), un des premiers instituts en Europe avec celui de Liège à organiser un enseignement de l’histoire de l’art et de l’archéologie égyptiennes. Il y suit également les leçons d’égyptologie dispensées par J. Capart. Il poursuit ses études à l’Université de Liège où un Institut Supérieur d’Histoire et de Littératures Orientales est créé en 1922. Ici, également, il assiste aux cours de J. Capart ; en 1925, B. van de Walle obtient le titre de docteur en histoire et littératures orientales.

Dès 1928, il entre dans le corps professoral de l’Université de Liège ; il y représente l’égyptologie pendant près de quarante-cinq ans. Il finit par remplacer son professeur, J. Capart devenu conservateur en chef des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles. Au départ, il a la charge des cours d’histoire de l’art égyptien, d’histoire de l’architecture, de la sculpture, de la peinture et des arts appliqués en Égypte ainsi que des exercices d’archéologie égyptienne. L’année suivante, il se voit confier, à l’Institut Supérieur d’Histoire et de Littératures Orientales, les cours d’Histoire ancienne de l’Orient (2e partie : Égypte), d’Égyptien ancien et d’Histoire de la littérature égyptienne ; en 1930, la Faculté de philosophie et lettres le charge d’un cours facultatif d’égyptologie. Il est nommé professeur en 1936 et professeur ordinaire en 1964. Parallèlement, il donne le cours d’art égyptien à l’IRSHAAB, d’abord en tant que suppléant de 1929 à 1940, et ensuite, de 1946 à 1976, comme titulaire, alors qu’en même temps, à l’Institut des Hautes Études de Belgique, il enseigne la langue égyptienne.

Dès 1925, B. van de Walle découvre l’Égypte lors du congrès international de géographie. Du 1er au 9 avril, ce congrès est organisé par la Société royale de géographie d’Égypte à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de sa fondation. La même année, il participe aux fouilles organisées par l’Egypt Exploration Society (EES) à l’Osireion. Ce monument fait partie du temple funéraire du pharaon Séthi Ier, situé à Abydos, ville consacrée au dieu Osiris. L’Egypt Exploration Fund (EEF), créée en Grande-Bretagne en 1882, vise à explorer, documenter et préserver les sites archéologiques en Égypte et au Soudan. L’EEF est renommée Egypt Exploration Society en 1914. Lorsqu’il découvre la tombe de Toutânkhamon en novembre 1922, Howard Carter est un employé de l’EES. En 1929-1930, toujours avec la même équipe de l’EES, B. van de Walle explore le Bucheum d’Armant (Hermonthis), cimetière du taureau sacré, Boukhis vénéré dans la région thébaine.

Au cours de sa vie, le savant belge effectue une quinzaine de voyages en Orient et participe dès 1920 à de très nombreux congrès d’orientalisme et d’égyptologie où il présente des communications.

Plusieurs sociétés savantes comptent B. van de Walle parmi leurs adhérents. En 1926, il devient membre de l’Académie royale d’Archéologie de Belgique. Dès 1953, il est membre associé de l’Institut d’Égypte, société savante formée par Napoléon Bonaparte lors de l’Expédition française en Égypte. L’intérieur du bâtiment, qui contenait près de 200 000 ouvrages relatifs à l’histoire et à la géographie de l’Égypte ainsi que les documents administratifs liés à la présence française en Égypte, a entièrement brûlé lors des manifestations du Caire en 2011. Dès 1965, B. van de Walle devient membre correspondant du Deutsches Archäologisches Institut Kairo, qui a été créé en 1907. De 1947 à 1988, il fait partie du Conseil d’administration de la Fondation Égyptologique Reine Élisabeth (aujourd’hui AERE sise aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles).

Ses échanges épistolaires témoignent qu’il a été en relation avec les égyptologues du monde entier et en particulier avec les égyptologues français de son temps. Un dossier manuscrit inédit de la Bibliothèque d’Antiquité des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles témoigne de ces contacts. Rappelons la création du contexte de ce dossier. Alors qu’il est conservateur de la section égyptienne du Musée du Cinquantenaire, J. Capart entreprend, dès 1932-1933, de rassembler l’intégralité de la copie de la correspondance d’Auguste Mariette pour la bibliothèque égyptologique qu’il constitue. En 1937, l’abondance des documents collectés amène J. Capart à suggérer à Marie Weynants-Ronday (1895-1951) de préparer l’édition intégrale de la correspondance de l’égyptologue français à partir de ce qui est déjà publié et ce qui est rassemblé à Bruxelles. Au fil des années, la documentation s’étoffe. En 1949, Marie entreprend de composer son manuscrit où les lettres sont groupées par chapitre et encadrée d’un commentaire. Alors qu’elle est arrivée à la période de 1878 dans la carrière de Mariette, M. Weynants-Ronday tombe malade et meurt. Son mari demande à B. van de Walle de mettre au point la suite du travail laissé inachevé. Il s’attèle à la tâche mais, en 1972, finit par y renoncer à la suite de l’opposition de plusieurs égyptologues français en poste à Paris. Le dossier, déposé à la Bibliothèque d’Antiquité, comporte d’innombrables notes témoignant de son érudition et les copies de lettres manifestant la courtoisie des échanges avec les collègues français.

B. van de Walle a consacré l’intégralité de sa vie et de sa carrière à l’enseignement, aux conférences et aux publications scientifiques en égyptologie. Sa bibliographie est très longue. Proche collaborateur de J. Capart, le flamboyant, il est sans doute resté dans l’ombre médiatique de ce dernier. Pour l’avoir connu au cours des dernières années de sa vie, il ne me semble pas qu’il en ait été affecté dans la mesure où il apparaît avoir toujours préféré, pour sa part, la retraite studieuse, les échanges épistolaires et savants avec des collègues égyptologues du monde entier. Il a apporté une contribution exceptionnelle à l’histoire de l’égyptologie belge par ses publications et ce qui a pu être conservé de ses archives.

Au cours de sa vie intégralement dédiée à l’égyptologie, B. van de Walle en a magistralement exploré les différentes facettes révélant les divers aspects de la civilisation égyptienne : l’archéologie, l’écriture hiéroglyphique, la littérature, l’histoire, la religion et l’art. Des liens très étroits unissent l’écriture hiéroglyphique égyptienne, faite de dessins et d’images et l’art figuratif en deux ou trois dimensions. Dessinateurs et peintres sont d’ailleurs appelés « scribes des contours ». La plupart des monuments égyptiens sont très bavards. Les temples divins ou funéraires, les murs des tombes sont couverts de reliefs ou de peintures accompagnés d’inscriptions qui les explicitent et complètent le message transmis. C’est dire l’importance des diverses facettes de la discipline égyptologique nécessaires à la compréhension de l’art égyptien.

L’étude des collections de musées retient également son attention. En témoignent ses publications sur le mastaba de Neferirtenef, œuvre majeure des Musées royaux d’Art et d’Histoire ainsi que le remarquable catalogue des antiquités égyptiennes du Musée de Mariemont (aujourd’hui Musée royal de Mariemont) en 1952. Ses notices scientifiques, rédigées à la suite de minutieuses recherches, sont un modèle du genre. Le manuscrit conservé à Mariemont comprenant les notes destinées au catalogue témoigne de l’ampleur de l’érudition de B. van de Walle, de son souci de précision. Il contient également la copie des échanges épistolaires qu’il a entretenus avec ses collègues étrangers, conservateurs de collections d’antiquités égyptiennes. L’histoire de l’égyptologie et celle du déchiffrement des hiéroglyphes font également partie de ses préoccupations. Il traduit, par exemple, les Hieroglyphica d’Horapollon, égyptien du Ve siècle de notre ère. Ce dernier vit à une époque où les hiéroglyphes sont en désuétude et il propose une interprétation de signes hiéroglyphiques. Son ouvrage, redécouvert au XVe siècle connaît un immense succès en Europe et inspire la quête du déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens et la création d’emblèmes. B. van de Walle publie les manuscrits et autographes de J.-Fr. Champollion conservés à Mariemont. Il s’attache à l’édition et au commentaire d’anciens récits de voyage en Égypte, tel, par exemple, celui de Josse de Ghistelles, noble gantois qui partit en voyage au Proche-Orient de 1481 à 1485.

Jusqu’à la fin de sa vie, B. van de Walle poursuit ses recherches, toujours soucieux de transmettre aux générations suivantes l’état des connaissances scientifiques sur la civilisation pharaonique. Il lui a été donné de poursuivre ses publications bien longtemps après l’âge de la retraite, participant notamment à la rédaction de notices de catalogues d’expositions temporaires ou en contribuant aux articles de la Chronique d’Égypte, revue égyptologique belge publiée annuellement par la Fondation Égyptologique Reine Élisabeth (AERE). Conçue d’abord comme un bulletin d’information à l’initiative de J. Capart, la Chronique d’Égypte est vite devenue une revue scientifique de portée internationale. À côté d’articles couvrant les divers domaines (philologie, histoire, archéologie, histoire de l’art) de l’égyptologie, de la papyrologie et de la coptologie, elle contient aussi des comptes rendus critiques d’ouvrages récemment parus. Dues à des spécialistes de diverses nationalités, les contributions sont rédigées en français, en anglais ou en allemand.

Marie-Cécile Bruwier

[1] Ndlr Actuel Musée Art & Histoire, appartenant aux Musées royaux d’Art et d’Histoire.