Helbig Jean
Prinkipo, 1er janvier 1895 - Auderghem, 8 avril 1984
Par : Isabelle Lecoq et Yvette Vanden Bemden
Éléments biographiques
1896 | Décès prématuré d'Edmond Helbig, le père de Jean. Sa mère, Marguerite Van der Laat, quitte la Turquie et retourne à Anvers avec ses quatre enfants en bas âge. Humanités gréco-latines au collège jésuite de Notre-Dame à Anvers. |
1913 - 1914 | Première candidature en Philosophie et lettres à l’Institut Saint-Louis de Bruxelles. |
27/03/1916 - 15/08/1919 | Service militaire en temps de guerre (matricule 22303). |
1916 - 1918 | Enrôlement dans les services auxiliaires de l’armée belge, à Folkestone (Royaume-Uni). Formation de brancardier-infirmier au Centre d'Instruction des brancardiers et infirmiers (C.I.B.I.) d’Auvours (Sarthe). Désignation comme infirmier au dépôt de convalescents (DC) d’Asnelles (Calvados). Transfert près de Furnes comme brancardier en février 1917. Présence sur le front de l’Yser lors de la grande offensive de septembre 1918 et des contre-attaques, exposition aux gaz allemands et confrontation aux lourdes pertes humaines. |
1919 | Congé illimité et transfert au groupement temporaire d’étudiants militaires. Reprise des études et réussite de la seconde année de candidature (1919-1920) en Philosophie et lettres à l’Institut Saint-Louis. Déménagement de la famille à Bruxelles. |
1920 - 1922 | Cours du soir à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers. Leçons particulières chez le peintre et sculpteur anversois Ernest Wante (1872-1960). |
1922 | Cours du soir à l’Institut supérieur des Beaux-Arts d’Anvers. Prix De Keyser de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers et mariage avec Hélène Wante, fille du peintre Ernest Wante. |
1922 - 1925 | Installation à Deurne en tant qu’artiste-peintre indépendant, tout en assurant des cours de dessin au Collège Saint-Stanislas de Berchem (Anvers) et en réalisant des projets de papier d’ameublement pour la firme Brepols (Turnhout), sans pouvoir néanmoins assumer les besoins financiers de la famille. |
1923 | Naissance d’un premier enfant, Christine (d’autres naissances suivront : Maria (1925), Luc (1926), Thérèse (1928), Monique (1931) et Marc (1933)). |
1925 | Emploi en tant que dessinateur dans l'atelier du peintre-verrier Edouard Steyaert à Schaerbeek. |
1926 | Emploi en tant que dessinateur dans l'atelier du peintre-verrier Camille Wybo à Tournai. Démobilisation définitive le 1er avril avec le grade de caporal. Pour ses années de guerre, J. Helbig fut honoré de plusieurs distinctions entre 1919 et 1926 : la Croix de guerre, la Croix de feu (au moins 32 mois passés au front), la médaille commémorative de la guerre 1914-1918 et la médaille de la Victoire. |
1929 | Installation à Bruxelles. Commis rédacteur de première classe à l’essai dans le cadre administratif des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (MRAH). |
1930 | Commis-rédacteur de première classe à titre définitif aux MRAH. |
1932 | Licence en Histoire de l’art et archéologie à l’Université de Liège. |
1937 | Obtention du grade de docteur en Histoire de l’art et archéologie à l’Institut supérieur d’Histoire de l’art et archéologie annexé à l’Université de Liège. |
1938 | Attaché dans le cadre scientifique des MRAH (section des Industries d’Art : céramique, vitrail, instruments de précision). |
1939 | Désignation pour établir la liste des principaux vitraux anciens à déposer en prévision d’une guerre imminente. |
1940 | Départ de la famille de Jean Helbig pour Luchon de mai à août. Période difficile aux MRAH où Jean Helbig poursuit ses travaux dans sa section et publie principalement sur les vitraux. |
1948 | Conservateur adjoint dans le cadre scientifique des MRAH (section section des Industries d’Art : céramique, vitrail, instruments de précision). |
1952 | Désignation en tant que "Chef du Service du répertoire des biens culturels". |
1956 | Nomination en tant que conservateur des MRAH et remplacement de la conservatrice Marthe Crick-Kuntziger à la tête de la section des Industries d’art. |
31/01/1960 | Admission à la retraite. |
Présentation analytique
Petit-neveu de Jules Helbig (1821-1906), peintre, archéologue, ami et admirateur de Jean Baptiste Béthune auquel il consacra une imposante biographie, Jean Helbig fut le premier historien de l’art belge à mener des recherches systématiques sur les vitraux de Belgique et à les publier. Il y consacra une part importante de son activité professionnelle aux Musées royaux d’Art et d’Histoire (MRAH). Auteur des premiers volumes de la série belge de l’entreprise internationale du Corpus Vitrearum, il a posé les fondements d’une méthodologie rigoureuse qui reste la base des recherches actuelles. J. Helbig développa également une activité importante dans le domaine de la céramique[1].
Jeunesse et formation
Orphelin de père à l’âge d’un an, Jean Helbig a passé son enfance à Anvers. Sa mère s’y était établie avec ses enfants, auprès de sa famille, à son retour de Constantinople. J. Helbig suivit le cursus des humanités gréco-latines au collège jésuite de la métropole. Sa candidature en Philosophie et Lettres à l’Institut Saint-Louis de Bruxelles fut interrompue par la guerre ; il effectua sa première année en 1913-1914 et sa seconde en 1919-1920. Dès 1920, J. Helbig bénéficia également d’une formation artistique, à Anvers, à l’Académie des Beaux-Arts, à l’Institut supérieur des Beaux-Arts et chez le peintre Ernest Wante.
Fort de cette double formation, il espérait s’engager dans une carrière artistique : après son mariage, il s’installa à Deurne-lez-Anvers et la maison que le couple y avait fait construire comportait un grand atelier. Mais J. Helbig fut rapidement contraint de chercher des activités plus lucratives que lui apportèrent son engagement dès 1925 dans deux ateliers de vitraux : celui d’Edouard Steyaert à Schaerbeek et, ensuite, celui de Camille Wybo à Tournai. Dès 1925 également, il suivit les cours du soir à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles.
Ses perspectives professionnelles s’éclaircirent définitivement en 1929 grâce à son engagement aux Musées royaux d’Art et d’Histoire (MRAH). Le conservateur Jean Capart avait fait procéder au recrutement d’un « commis rédacteur » pour le seconder dans diverses tâches. Le profil de J. Helbig retint d’emblée son attention : « Sa formation mixte universitaire et artistique lui donne […] une base excellente pour édifier une carrière brillante. Je lui demanderai un sérieux effort : s’il veut le donner, il peut être assuré d’un avenir intéressant chez nous.[2] ».
« En même temps qu’il s’acquittait à la perfection de son travail normal au Musée[3] », J. Helbig poursuivit pendant plusieurs années des études complémentaires d’histoire de l’art, qui s’orientèrent naturellement vers le vitrail. Il obtint en 1932 une licence en histoire de l’art et archéologie. En 1937, il contacta, au sujet d’un doctorat qu’il souhaitait remettre la même année, Marcel Laurent (1871-1946), professeur depuis 1932 à l’Institut supérieur d’Histoire de l’Art et d’Archéologie annexé à la faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège et conservateur de 1912 à 1933 de la Section des anciennes industries d’art aux MRAH. J. Helbig précisait : « Ce travail qui prouve, par un faisceau d’arguments tirés d’archives et plus de trois cents références bibliographiques, l’importance de l’art du vitrail en Belgique dès le milieu du XIVe siècle et jusqu’au milieu du XVIIe siècle, pourrait-il me servir de thèse principale? Il comporte environ 200 pages ainsi qu’un répertoire de plus de 100 pages.[4] ». Sa thèse soutenue en 1937 à l’Université de Liège porte sur « L’École flamande de peinture sur verre au XVIe siècle ». Elle est structurée par trois grands axes de recherche : les grands peintres verriers du début de la Renaissance, leur rôle dans le domaine du style et de la technique, l’importance des écoles formées sous leur impulsion. D’importantes annexes sur l’histoire du verre et du vitrail en général et la peinture sur verre dans les Pays-Bas méridionaux jusqu’au XVIIIe siècle sont accompagnées d’un répertoire des vitraux des verriers flamands et wallons et d’un index de ceux-ci. Les thèses annexes montrent l’intérêt et les connaissances développées par J. Helbig dans divers domaines : 1. Ce n’est pas l’expédient des relevés d’après l’ombre portée, mais l’emploi des modèles d’atelier, qui explique la physionomie du dessin dans la céramique grecque à figures noires ; 2. Les « pintaderas » aztèques, au temps de la conquête, servaient à la toilette superstitieuse des femmes ; 3. L’architecture bâtie n’a pas subi, dans les Pays-Bas méridionaux, l’influence du style plateresque au XVIe siècle ; 4. Circulation de modèles d’ateliers en Rhénanie, dans le Brabant et en Angleterre au XIVe siècle ; 5. La « descriptive » et le point de vue « plongeant », dans le décor architectural du vitrail au Moyen-Âge ; 6. Julien de Reniel a-t-il collaboré avec Arnould de Nimègue à l’exécution des verrières historiques de la cathédrale de Tournai ?.
Le jury de thèse comprenait, outre Marcel Laurent et l’égyptologue Baudouin van de Walle (1901-1988) qui en assura le secrétariat, deux autres professeurs à l’université de Liège, figures marquantes de l’histoire de l’art en Belgique : Léo Van Puyvelde (1882-1965), président du jury, alors également conservateur en chef des Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, et Paul Fierens (1895-1957), aussi conservateur aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles et qui en devint le conservateur en chef en 1947.
Carrière aux Musées royaux d’Art et d’Histoire
J. Helbig est donc entré aux Musées le 26 avril 1929 en qualité de commis rédacteur, avec des fonctions de secrétaire adjoint qu’il exerça pendant près de dix ans (1929-1938), sous la direction directe du conservateur en chef, Jean Capart. Pour reprendre ses termes[5], son activité de commis était « essentiellement auxiliaire, flottante, composite » et de nombreuses tâches lui furent confiées par la Direction des Musées et par divers services et départements. Il fallait avant tout veiller à « entretenir et développer de bonnes relations pour le Musée », mission qui implique « une bonne connaissance des diverses sections et des services généraux », le « pilotage des personnalités belges ou étrangères visitant le musée », la « connaissance des organismes qui se rattachent au Musée », comme le Service éducatif (placé sous la supervision directe du conservateur en chef), l’ « implication dans les relations extérieures du musée avec des établissements similaires dans le pays et à l’étranger », des relations harmonieuses avec « le personnel scientifique des Universités et des Musées ». Fonction qui nécessitait de l’intelligence et du tact, soulignait J. Capart[6]. J. Helbig s’occupa aussi de la gestion matérielle du Bulletin des Musées royaux d’Art et d’Histoire et de divers travaux d’ordre artistique en tous genres, dont des relevés dessinés et des peintures décoratives. Ces premières années d’activité apportèrent à J. Helbig une solide connaissance générale du Musée ; il la mit à profit pour la rédaction de catalogues et guides du visiteur.
J. Capart lui facilita « de toutes manières[7] » les études qui lui permirent de passer du cadre de personnel administratif à celui du personnel scientifique. Après l’obtention d’un doctorat, J. Helbig intégra en 1938 la section des Industries d’art, en tant qu’attaché scientifique. Il fut promu en 1948 conservateur adjoint, en charge des céramiques, vitraux et instruments de précision ; il en devint conservateur en 1958, après le départ en 1956 de Marthe Crick-Kuntziger (1891-1963).
Pour le domaine du vitrail, l’activité de J. Helbig aux MRAH concernait l’« aménagement de la collection des vitraux dans les collections des musées, l’étude de ces objets, le classement des cartons de vitraux et des contributions dans des revues[8] ». Influencé par J. Capart, il adopta une approche pédagogique et innovante, marquée par la volonté d’ouvrir les musées à tous les publics et de mettre les œuvres à la portée de tous, grâce à des initiatives choisies et à une présentation adéquate. Au sein du service éducatif, où les jeunes visiteurs pouvaient s’initier aux différents arts pour mieux comprendre les œuvres, il dirigea avec l’aide technique de H. Broerman un atelier « vitrail » qui fonctionna pendant trois ans[9]. C’est là aussi qu’il réalisa le carton à grandeur d’exécution du vitrail ethnographique qui orne toujours une fenêtre des MRAH. Au terme de sa carrière de conservateur, la collection de vitraux était exposée dans sa quasi-totalité et J. Helbig avait lui-même dessiné des dispositifs de présentation des médaillons peints sur verre (« rondels »). Prompt à saisir les occasions d’achats, il a contribué à accroître les collections des MRAH, principalement pour le domaine du vitrail monumental avec une série d’acquisitions majeures, dont deux vitraux de l’ancienne abbaye de Parc, une Annonciation française du XIIIe siècle (inv. 6569), deux panneaux du début du XVIe siècle avec Dieu le Père, la sainte Vierge et la famille des donateurs (inv. 8464 et 8465) et le vitrail de la gilde des Escrimeurs malinois (inv. I.A.D229).
J. Helbig participa à l’organisation de plusieurs expositions : Bernard Van Orley. 1488-1541 (Bruxelles, 1943), l’Exposition des Arts Religieux (Tournai, 1949, président de la section céramique et verrerie), Art mosan et arts anciens du Pays de Liège (Liège, 1951), Léopold Ier, la Reine Victoria et leur temps (Bruxelles, 1953), Trésors d’Art du Hainaut (Mons, 1953, membre du comité organisateur), Trésors d’Art du Brabant (Bruxelles, 1954). Il donna ainsi une visibilité à l’art du vitrail, dont il montra toutes les potentialités, tout en valorisant opportunément des œuvres des Musées.
Les activités professionnelles de J. Helbig au Musée furent officiellement reconnues (en 1951, médaille civique de 1ère Classe en récompense des bons et loyaux services rendus au pays pendant une carrière de plus de 25 ans ; en 1954, chevalier de l’Ordre de Léopold II ; en 1962, commandeur du même ordre).
Protection des œuvres en temps de guerre et répertoire des biens culturels
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, J. Helbig, alors conservateur adjoint, fut chargé du récolement et de la mise à l’abri des œuvres d’art, protégeant ainsi le patrimoine belge des destructions. Le 21 novembre 1951, le ministre de l’Instruction publique, Pierre Harmel, informa le conservateur Joseph de Borchgrave d’Altena (1895-1975) qu’il avait décidé de confier à J. Helbig « la rédaction d’un inventaire des monuments et œuvres d’art à protéger spécialement en temps de guerre[10] ». Concrètement, il s’agissait d’établir un « Répertoire des biens culturels irremplaçables et importants, à protéger spécialement en cas de conflit armé », organisé en trois sections (1. Les monuments et œuvres d’art ; 2. Les Bibliothèques et archives ; 3. Les collections scientifiques). Le travail fut exécuté en 1952-1953 par une équipe de collaborateurs scientifiques placés sous la direction de J. Helbig, nommé pour la circonstance chef du Service du répertoire des biens culturels.
Un comité d’experts fut créé pour approuver la sélection des biens à prendre en compte. « J’ai parcouru le pays dans tous sens pour dresser des listes adéquates des œuvres d’art importantes », écrivit J. Helbig dans son journal personnel[11]. Dans la foulée, les vitraux anciens de Belgique, déposés durant la guerre 1940-1945 dans divers lieux, pour être mis à l’abri des destructions, furent photographiés individuellement, panneau par panneau, sous la supervision de Paul Coremans (1908-1965), chef des Archives centrales iconographiques d’Art national et Laboratoire central des Musées de Belgique (ACL), à l’origine de l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA) en 1957. J. Helbig qui a dû collaborer étroitement avec P. Coremans pour coordonner les missions d’inventaire et de documentation photographique s’efforça d’examiner lui-même les vitraux déposés, ce qui lui fut d’une aide précieuse pour l’étude et la connaissance des vitraux belges.
En 1956, l’importance et la qualité du travail accompli par J. Helbig furent officiellement soulignées par Victor de Tollenaere, secrétaire de la ville de Bruxelles et président de la Commission pour la Protection des œuvres d’art et des monuments en temps de guerre[12].
Expert du vitrail
J. Helbig est le véritable initiateur de l’inventorisation et de l’étude des vitraux et le premier historien de l’art en Belgique à vraiment s’intéresser à la matérialité de ceux-ci, à se préoccuper de leur conservation et à suivre leurs restaurations, particulièrement après la Seconde Guerre mondiale. Il fit ainsi partie de la Commission consultative pour la restauration des verrières anciennes de la collégiale des Saints-Michel-et-Gudule. Sa formation artistique et sa sensibilité à la matière, au dessin et aux formes, sa minutie et son sens du détail, ses vastes connaissances et une force de travail singulière lui permirent de comprendre l’art du vitrail bien mieux que ne l’avaient fait ses prédécesseurs et il ouvrit la voie au développement de l’intérêt et de l’étude scientifique de cet art.
Pionnier dans l’inventaire des vitraux des anciens Pays-Bas, J. Helbig est le premier historien de l’art à en faire le répertoire systématique. Son ouvrage majeur et irremplacé, est sans conteste De Glasschilderkunst in België. Repertotium en documenten, publié en deux volumes, en 1943 et 1951. Sur la base d’un exceptionnel travail de recherche dans des sources très diversifiées, J. Helbig y répertorie tous les vitraux qui subsistent en Belgique, ceux qui y disparurent au cours des siècles mais dont l’existence est attestée, ceux qui furent réalisés à l’étranger par des peintres-verriers issus des anciens Pays-Bas et ceux qui furent volés ou vendus à des particuliers et à des marchands, principalement anglais qui sillonnaient l’Europe à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, après la suppression des abbayes et la fermeture des églises sous l’occupation française. Le répertoire ainsi établi porte sur plus de 2000 vitraux existants ou disparus ; il est accompagné d’un index de plus de 500 peintres-verriers ou concepteurs. De Glasschilderkunst in België s’impose toujours comme une référence incontournable pour l’étude de l’art du vitrail en Belgique.
Dès sa nomination dans le cadre scientifique des Musées, J. Helbig amplifia les recherches de sa thèse de doctorat et les développa pour prendre en charge les divers aspects et toutes les dimensions utiles à l’étude du vitrail : l’histoire, l’iconographie, les techniques, le style, la datation, les commanditaires et les auteurs. Tout au long de sa carrière, il s’intéressa également aux conditions d’exercice du métier de maître-verrier, aux mécanismes d’altérations et aux méthodes de conservation et de restauration des œuvres. Il publia sur ces questions de nombreux articles scientifiques dans des revues spécialisées : le Bulletin des Musées royaux d’Art et d’Histoire (1937 à 1958), la Revue belge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art (1936 à 1954), le Bulletin et les Annales de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles (1939 à 1946), le Recueil des Travaux du Centre de Recherches Archéologiques (1942), les Annales de la Commission royale des Monuments et des Sites (1952), le Bulletin van de Koninklijke Nederlandse Oudheidkundige Bond (1953), le Journal of the British Society of Master Glass-Painters (1938 à I950). Il contribua également à la Biographie Nationale (1959 à 1981), à des encyclopédies (Winkler Prins, 1957 – 1959, et la Grande Encyclopédie de la Belgique et du Congo, Bruxelles, 1956).
La période d’étude privilégiée par J. Helbig était la première moitié du XVIe siècle en Belgique, la plus faste dans les anciens Pays-Bas, sous le règne des Habsbourg ; les ensembles les plus importants conservés en Belgique remontent à cette période. Avec perspicacité, méthode et intelligence, il fut le premier à embrasser le corpus des vitraux conservés pour envisager un vaste éventail de problématiques sous-jacentes : l’impact des restaurations sur les œuvres conservées ; les grands centres de production ; le rôle de la famille impériale et de son entourage dans les commandes, l’évolution formelle et stylistique des vitraux dans le contexte de la Renaissance européenne, les réalisateurs et concepteurs des œuvres majeures, etc. Si J. Helbig, au début, considérait encore les vitraux comme un art « décoratif », ses recherches montrèrent rapidement qu’il fallait clairement ranger ces œuvres dans les « arts majeurs », au même titre que la peinture, la sculpture et d’autres productions artistiques.
J. Helbig fut également le premier historien de l’art à étudier les vitraux de Belgique dans un contexte international, en examinant les modalités des influences et des échanges transfrontaliers. Au fil de ses recherches, il collabora et développa des relations et des amitiés avec des chercheurs européens de renom, notamment en France, aux Pays-Bas et en Angleterre : Bernard Rackham, conservateur du département des vitraux au Victoria and Albert Museum (Londres), Johan Anton Van der Boom d’Utrecht, docteur en histoire de l’art spécialiste du vitrail hollandais, Jean Lafond, journaliste, co-directeur du Journal de Rouen, archéologue et historien de l’art pionnier dans l’étude du vitrail en France, pour n’en citer que quelques-uns.
Reconnu comme le meilleur expert de l’art du vitrail en Belgique, J. Helbig fut associé aux premières initiatives visant à inclure les recherches sur le vitrail en Belgique au sein du Corpus Vitrearum lnternational. Avant même la création officielle en 1952 de ce programme de recherche, il fut consulté par l’une des principales chevilles ouvrières du projet, le professeur Hans R. Hahnloser de l’Université de Berne qui lui demanda « un rapport sur la situation en Belgique[13] ». En 1965, il fut sollicité par le professeur Jacques Lavalleye, membre de l’Union académique internationale (UAI) et premier président du Corpus Vitrearum de Belgique pour devenir officiellement membre de ce comité nouvellement créé.
J. Helbig partit à la retraite le 1er février 1960, après plus de trente ans de carrière. Il continua à écrire, notamment pour le Corpus Vitrearum. Avec générosité et discrétion, il partagea ses connaissances et son expérience du vitrail avec sa successeure, avec laquelle il signa le volume 3 du Corpus Vitrearum sur les vitraux bruxellois[14] et relut le texte final du volume consacré aux vitraux liégeois[15]. Il continua aussi à s’adonner à la peinture ; il offrait ses tableaux, de thèmes et techniques traditionnels, à sa famille et ses amis ou pour des ventes de charité. J. Helbig dont la santé déclina à partir de 1982 décéda le 8 avril 1984. Il fut enterré dans le cimetière d’Auderghem dans la pelouse des anciens combattants, comme combattant de la première guerre, et son épouse le suivit sept ans plus tard.
Modeste et réservé, grand travailleur, consciencieux, rigoureux, d’une honnêteté scientifique sans faille, Jean Helbig était unanimement apprécié. Il ne fut jamais un homme ambitieux ou un homme d’intrigues. Son apport à la muséographie, à la protection du patrimoine, à l’étude et à la conservation des vitraux restent fondamentaux. Il nous a légué une œuvre scientifique monumentale, portée par un engagement indéfectible pour l’étude et la conservation des vitraux.
Isabelle Lecoq et Yvette Vanden Bemden
[1] Le présent article n’aurait pu être rédigé sans les échanges avec la famille Helbig, spécialement Monsieur et Madame Helbig-Keller que les auteurs remercient chaleureusement.
[2] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig, Jean Capart au Ministre des Sciences et des Arts, le 26 avril 1929.
[3] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig, Jean Capart au Ministre de l’Instruction publique, le 23 décembre 1937.
[4] Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège, Fonds Jean Helbig, Dossier « thèse », Jean Helbig à Marcel Laurent, le 21 janvier 1937.
[5] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig, Jean Helbig à Jean Capart, lettre du 1er juillet 1939.
[6] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig, Jean Capart au Ministre de l’Intérieur, le 5 avril 1929.
[7] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig, Jean Capart à Jean Helbig, le 10 juillet 1939.
[8] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig Jean Helbig à Jean Capart, le 20 avril 1938.
[9] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig, Jean Helbig à Jean Capart, le 30 octobre 1941.
[10] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig, Le directeur général Christophe pour le ministre Harmel au Comte de Borchgrave d’Altena, le 11 novembre 1951.
[11] Archives privées de la famille Helbig, Vilvoorde.
[12] Archives privées de la famille Helbig, Vilvoorde, Lettre de Victor de Tollenaere à Jean Helbig, 16 avril 1956.
[13] Archives des MRAH, Dossier Jean Helbig, Jean Helbig au conservateur en chef, le 24 septembre 1951.
[14] J. Helbig & Y. Vanden Bemden, Les vitraux de la première moitié du XVIe siècle conservés en Belgique III. Brabant et Limbourg (Corpus vitrearum III, Belgique), Gand/Ledeberg, 1974.
[15] Y. Vanden Bemden, Les vitraux de la première moitié du XVIe siècle conservés en Belgique. IV. Provinces de Liège, Luxembourg, Namur (Corpus vitrearum, IV, Belgique), Gand/Ledeberg, 1981.